04/05/2014
Ma voisine
Comment relire
Les pages oubliées
De l’histoire
Les vestiges sans larme
Des épopées charnelles de l’enfance
Quelques fleurs jaunies entre les pages d’un livre
Je les retrouverai peut-être quand ma mémoire fera défaut
Comme cette petite femme que je croise plusieurs fois par jour
Elle se rend à l’arrêt de bus qui n’existe plus depuis si longtemps
Pour y attendre son fiancé…
Plusieurs fois par jour, par tous les temps, de très tôt à très tard
Elle retourne inlassablement les pages du même livre
S’y retrouve à la même page, à la même ligne
Là où son fiancé la rejoignait
Il y a des dizaines d’années
Elle se maquille sommairement, se prépare à la rencontre
Et repart dix fois, vingt fois par jour
A la rencontre de son amour qui la rend si vivante
J’entends souvent qu’elle serait mieux dans une maison spécialisée
Mais j’aime croiser cette femme aux rides qui se déplissent
A chaque aller et venue vers la gare routière
Elle porte sur elle une histoire inachevée
Un petit gilet sans couleur précise
Et une démarche d’adolescente rejoignant son chéri
Elle porte en souriant une douleur terrible
Celle d’une mémoire qui impose la jeunesse, sa jeunesse
Alors que René est mort à la dernière guerre.
J’ai parfois envie de pleurer
Tellement ses trajets sont dérisoires
Vers cet amour qui est toujours sur elle, posé comme un papillon
Elle me rappelle à chaque passage
D’inscrire dans ma mémoire
Que l’on peut sauter les pages d’un livre
Mais de le garder précieusement sous son bras
Comme le bras de celui
Que l’on a tant aimé.
20:03 Publié dans Blog | Lien permanent | Commentaires (2)
Commentaires
Ah ! ton texte est vraiment beau Jean-Luc, il porte la fragile et pérenne marque du Sens, ce qui échappe à tout bornage rationnel et étroit ; il est le Vivant qui échappe à toute réflexion, la liberté d'être, ainsi révèle-t'il l'essentiel propre à chacun, essentiel à ne jamais perdre de vue même quand tout nous dit le contraire autour ! Bien amicalement, Ile
Écrit par : Ile E. | 05/05/2014
Les sans ciel à ne jamais perdre la vie, ce fil ténu qui nous accroche à la vérité, la notre...et notre mensonge quand celui-ci est criard d'authenticité..je te parlais du mensonge qui en dit souvent plus que toute vérité dite, qui est l'essence de chacun et que la folie ou la démence peuvent-être parfois merveilleuses de liberté...
Dans le blanc ou le mensonge se reconnaissent parfois la même vibration, la même fêlure, la même incomplétude vraie qui nous fait être, sans paraître, juste ce que nous sommes, corps et âme mêlés, juste une ébauche d'homme ou de femme, juste un artefact de la vie indispensable à la vie même.
Très amicalement à toi
Jean-Luc G
Écrit par : Gastecelle JL | 05/05/2014
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